Le lendemain, je rends la carte mémoire à mon voisin et récupère la mienne, comme s’il ne s’était rien passé. Mais déjà le cerveau s’emballe, il pense à 3000 à l’heure, il se met petit à petit sous le joug d’une ignoble dépendance: la pornographie. Il faut dire, pour les demoiselles qui me lisent, que l’homme, aussi adolescent qu’il soit, fonctionne par pulsions. Un homme est très mécanique et peu les assouvir en un temps éclair. Les sensations montent très haut, très rapidement. Si en tant que garçon, on ne t’en a jamais parlé avant, alors c’est très facile de tomber dans le piège de la masturbation, le FAIL, comme j’aime si bien le dire.
J’ai lu un article une fois, qui disait qu’au moment de la masturbation, un cocktail hormonal est relâché dans le corps. Ces hormones (adrénaline, testostérone, ocytocine, dopamine et sérotonine) provoquent des sensations tellement intenses qu’on peut les comparer à celles produites par l’héroïne. Comme pour les drogues, ce sont ces sensations fortes que l’on va chercher encore et encore. Lorsqu’on ne se sent pas bien émotionnellement et/ou dans notre corps, on veut faire disparaître cette sensation le plus rapidement possible. Toutes les choses qui le permettent peuvent être appelées des « fixs émotionnels ».
Je dois vous expliquer quelque chose. J’ai toujours était très prudent avec ça. Peut-être trop, car mes parents ne m’en ont jamais parlé. N’ont-ils pas osé ou n’ont-ils rien vu ? Il faut dire à leur défense que j’ai, en apparence, bien vécu mon adolescence, ce qui, si l’on met de côté la pornographie, est vrai.
Le premier, celui de l’interface douce et paisible que j’ai évoquée précédemment, le second : l’interface de hacker pouvant recevoir des thèmes d’écrans spéciaux, cacher du contenu dans la carte mémoire et faire des tonnes d’autres choses nouvellement acquises. De plus, pour arriver sur l’interface que nous appellerons la bad-boy interface, il fallait allumer la console d’une manière bien spécifique avec des combinaisons de touches et un certain temps de pression sur celles-ci. Impossible donc pour mes parents d’y tomber dessus. S’ils voulaient vérifier le contenu, ils allumaient la machine comme tout le monde, en poussant le bouton « ON » et tombaient sur l’interface normale. Rien de louche à l’intérieur. J’avais, pour ma part et à l’instar de ma PSP, également adopté deux visages.
J’ai bien vite découvert que l’accès à internet était fort utile. J’avais peur des contrôles parentaux, seulement la console étant craquée… pas de problème de ce côté-là. J’étais consciencieux : j’effaçais sagement l’historique des sites après chaque visite. Il aurait fallu que mon père épluche l’historique global du modem pour s’apercevoir de quelque chose. Peut-être l’a-t-il fait d’ailleurs ? Mais qu’est-ce qu’une adresse parmi des centaines de requêtes familiales et quotidiennes chez ce cher Google ? Et puis comme je vous l’ai dit : j’étais consciencieux, je choisissais jusqu’aux adresses des sites pour éviter les soupçons.
Je peux vous affirmer qu’un homme ayant donné son cœur à Dieu et qui est addict à la pornographie, comprend la Grâce d’une manière profonde. L’homme, à la seconde où sa passion est assouvie, retombe violemment à terre et se brise tous les os. En effet, la conscience qui, laissée de côté pendant quelques minutes, voir secondes, revient dans son hôte tel un boulet de canon projeté par la poudre de la raison, fracasse ce sentiment de bien-être à la vitesse de la lumière. Combien d’heures ai-je passées, affalé à même le sol en hoquetant et pleurant des larmes invisibles ? Mériter la mort devient une certitude, ça n’a absolument plus rien d’intellectuel. L’Esprit-Saint vous montrant la souillure du péché de manière concrète et violente, vous montrant vous-même effondré comme un déchet, n’osant regarder que le sol en imaginant Dieu qui pleure là, juste à côté de soi. Combien d’heures ai-je passées à crier à Dieu pour qu’il efface toutes ces images de ma mémoire ? Je vous le dis, l’homme ne mérite pas Dieu, c’est encore plus frappant lorsqu’on se dégoûte soi-même à en mourir… Je n’ose pas bouger, je ne peux que constater ma déchéance, ma bassesse, constater mon besoin d’un sauveur oh combien plus grand que moi. Un coup de plus sur le clou de la croix.
Je pense que tous les toxicomanes se le demandent… Quand on a besoin d’un « fixe », on le prend quel qu’en soit le prix à payer. Le cerveau n’est plus dans son état normal, il inhibe la réflexion et l’esprit, il met toute raison de côté, il s’enferme dans une folie absurde afin de ne plus voir Dieu.
Les femmes dans la rue que jadis je trouvais belles ne sont plus que des objets d’imagination obscène, d’exutoire sordide. Ma confiance en moi vole en éclat, je ne me pense pas « assez fort », des peurs se forment quant au bon fonctionnement d’un potentiel futur couple. Les pensées sont tachées, l’esprit est sans cesse attiré vers le mal et cela même durant les cultes du dimanche matin. Quand elles sont là, il faut se battre d’arrache-pied pour les faire partir ne serait-ce qu’une minute. De plus, il suffit d’essayer de ne pas y penser pour ne plus pouvoir s’en dépêtrer. La peur du FAIL vous garde dans une sensation de faiblesse, d’esclave. Le cercle, plus que vicieux, se révèle putride, infecte.
Malgré tout, mon adolescence est restée bonne et agréable. Ce que je décris là se présente par périodes. Le poids de plusieurs tonnes porté sur mes épaules s’allège lors de périodes plus calmes. Cependant, c’est un état usant qui, parfois, se révèle vraiment trop lourd. C’est un peu comme une tache noire sur un tableau. Cette tache, par moment, occupe tout le tableau, avant de se résorber pour se cacher dans un coin.
Je vais te le dire. La PSP bien que merveille technologique, continuait de faire des ravages. Je suis allé bas, très bas. Malgré tout, chaque chute renouvelait ma ferveur auprès de Dieu. Je n’ai jamais arrêté de le supplier. Je ne comprenais pas pourquoi il ne me tirait pas de cette situation. Peut-être voulait-il me montrer au combien sa grâce est illimitée ? Je le saurai après ma mort. Un jour cependant, Dieu m’a mis une certitude à cœur. Le sourire aux lèvres, j’ai délicatement sorti la console de sa boîte. Je l’ai allumée sur l’interface bad-boy puis je suis sorti de la maison. Je suis allé à côté de la réserve de bois. Pas de vis-à-vis, j’étais seul. J’ai délicatement posé la PSP sur le billot qui servait à fendre les bûches, j’ai brandi la hache, bien haute au-dessus de ma tête et j’ai frappé de toutes mes forces.
Je ne peux vous exprimer le sentiment de libération que j’ai ressenti à ce moment-là, un sentiment de joie, une joie comme jamais je n’avais éprouvée avant. J’ai crié de toutes mes forces, dans mon euphorie, puis je suis tombé à genoux face contre terre devant le billot et j’ai loué Dieu.
N.
La suite dès la semaine prochaine.